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31jul98

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Il faut abattre ce monstre


Voter contre la Cour pénale internationale ne suffit pas.

Les États-Unis devraient essayer de la renverser.

La décision prise par les États-Unis de ne pas adhérer au Traité de Rome établissant une cour pénale internationale sous l'égide des Nations Unies était la bonne décision. Pourtant, depuis la cérémonie de signature du Traité à Rome, plusieurs gouvernements ont clairement exprimé leur sentiment que les États-Unis finiront par succomber à la pression internationale et rejoindront la Cour, alors que d'autres espèrent que nous détournerons simplement le regard et que nous n'interférerons pas dans les efforts pour établir et rendre la cour légitime. Les États-Unis ne peuvent se permettre aucune des deux options.

Rejeter le Traité de Rome ne suffit pas. Les États-Unis doivent le combattre. Lloyd Axworthy, ministre canadien des Affaires Étrangères, a posé une bonne question à Rome : "Il s'agit de savoir si [les États-Unis] traitent [la Cour] avec une négligence bénigne, ou s'ils y sont agressivement opposés." Nous devons y être agressivement opposés car, même si les États-Unis ne rejoignent jamais la Cour, le Traité de Rome aura de sérieuses conséquences pour la politique extérieure américaine.

Le Traité de Rome est un document irrémédiablement défectueux et dangereux. Il comporte, parmi ses quatre "crimes fondamentaux", ce qu'on appelle "agression", qui a été inclus alors que les pays négociant le traité n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur ce à quoi il se rapporte au juste.

Que ce qui constituera une "agression" aux yeux de cette cour soit clair : il y aura crime d'agression à chaque fois que les États-Unis entreprendront une action militaire pour défendre leurs intérêts nationaux, à moins qu'ils ne demandent et n'obtiennent la permission des Nations Unies.

La Cour se propose donc de juger la politique de sécurité nationale des États-Unis.

Imaginez ce qu'il se serait passé si cette cour avait été en place lors de l'invasion américaine du Panama ? Ou de l'invasion de Grenade ? Ou du bombardement de Tripoli ? Les États-Unis n'ont, pour aucun de ces cas, demandé la permission des Nations Unies pour défendre nos intérêts. Et tant que je n'aurai pas rendu mon dernier souffle, les États-Unis ne permettront jamais - et je répète, jamais - que les décisions relatives à sa sécurité nationale soient soumises au jugement d'une cour pénale internationale.

Quiconque doute que la cour essayera de le faire n'a qu'à regarder l'histoire récente. Dans les années 1980, la Cour internationale de justice a essayé de déclarer que le soutien américain apporté aux Contras nicaraguayens constituait une violation du droit international. L'administration Reagan a sagement ignoré la Cour, car elle n'avait pas de juridiction et n'avait donc aucune autorité en la matière.

Et bien, la Cour pénale internationale déclare que le peuple américain est sous sa juridiction, peut importe ce qu'en dit le gouvernement des États-Unis. Les délégués à Rome ont inclus un genre de "juridiction universelle" dans le statut de la Cour, ce qui signifie que, même si les États-Unis ne signent pas le traité, ou si le Sénat refuse de le ratifier, les pays qui y sont parties considéreront pourtant que les soldats et citoyens américains sont sous la juridiction de la cour.

C'est un scandale, et cela aura de graves conséquences pour nos relations avec chaque pays qui signe et ratifie le Traité. Jugez plutôt : l'Allemagne a été l'auteur intellectuel de la clause de juridiction universelle. Des milliers de soldats américains sont stationnés en Allemagne. Le gouvernement allemand considérera-t-il désormais que ces forces sont sous la juridiction de la Cour pénale internationale ? Je suis pour le maintien de nos forces en Allemagne, mais pas si ce pays s'obstine à les exposer à la juridiction de la CPI.

L'administration Clinton va donc maintenant devoir renégocier le statut des accords concernant nos forces non seulement avec l'Allemagne, mais également avec chaque état signataire où sont stationnés des soldats américains. Et nous devons clairement dire à ces gouvernements que s'ils refusent, nous serons forcés de reconsidérer notre capacité à stationner des forces sur leur territoire, à participer à des opérations de maintien de la paix et à répondre à nos engagements vis-à-vis de l'article 5 du Traité de l'Otan.

Le Traité de Rome constitue aussi une dilution de l'autorité du Conseil de sécurité des Nations Unies - et donc du véto américain au sein du Conseil. Pour reprendre l'expression d'un représentant indien, les délégués à Rome ont décidé que "tout rôle prépondérant du Conseil de sécurité [constituerait] une violation de l'égalité souveraine [...] [car] la composition du Conseil de sécurité et le droit de veto conféré à cinq membres permanents est une anomalie qui ne peut être reproduite et reconnue par la Cour pénale internationale".

Chose incroyable, lors des négociations, les États-Unis ont poursuivi leur effort à la dérobée pour diluer les pouvoirs du Conseil de sécurité, en acceptant une proposition faite par Singapour d'inverser le fonctionnement du Conseil de sécurité. Avec le Traité adopté à Rome, les États-Unis ne peuvent plus opposer leur veto pour qu'une affaire ne soit pas jugée devant la Cour. Pour bloquer une affaire, il faudra une majorité au sein du Conseil, ainsi qu'un consensus parmi les membres permanents. Une telle dilution du pouvoir de veto est inacceptable, et doit être combattue par les États-Unis.

Étant donné que cette Cour provoque des conséquences de telle envergure pour les États-Unis, même si nous ne sommes pas parties au Traité, j'entends obtenir des garanties de la part de l'administration Clinton :

  • Que les États-Unis ne voteront jamais au sein du Conseil de sécurité pour déférer une affaire devant la Cour.
  • Que les États-Unis ne fourniront aucune assistance de quelque nature que ce soit à la Cour, que ce soit au niveau du financement, de contributions en nature ou d'autres aides légales.
  • Que les États-Unis n'extraderont aucun individu devant la Cour ou n'y déféreront une affaire, directement ou indirectement.
  • Que les États-Unis inclueront dans tous leurs traités bilatéraux concernant les extraditions une disposition interdisant une autre partie au traité d'extrader des citoyens américains devant la Cour.
  • Que les États-Unis renégocieront chacun de leurs accords concernant leurs forces afin d'y inclure une disposition interdisant à une autre partie à cet accord d'extrader des soldats américains devant la Cour, et que les États-Unis ne stationneront pas leurs forces dans un pays qui n'accepterait pas cette interdiction.
  • Que les États-Unis n'autoriseront pas à un soldat américain à prendre part à une mission de maintien de la paix sour l'égide de l'Otan, des Nations Unies ou d'un autre organisme international, tant que les États-Unis ne seront pas parvenus à un accord avec tous ses alliés de l'Otan et des Nations Unies excluant qu'un soldat américain puisse être soumis à la juridiction de la Cour.

La Cour pénale internationale représente une menace pour les intérêts nationaux américains. Nous ne pouvons pas la traiter avec la "négligence bénigne" souhaitée par M. Axworthy.

Comme l'a dit un délégué néérlandais à la fin de la réunion : "Je ne dirais pas que nous avons donné naissance à un monstre, mais le bébé présente quelques malformations."

Il a tort. La CPI est bel et bien un monstre, et il est de notre responsabilité de l'abattre avant qu'il ne grandisse et ne nous dévore.

[Source: Par Jesse Helms, Financial Times, Londres, 31jul98. Traduction en français à partir de l'original en anglais réalisée par Equipo Nizkor.]

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