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24nov10


Discours du représentant du Président de la Commission de l'Union Africaine à l'occasion
de la cérémonie d'ouverture de la table ronde des donateurs pour
le financement du procès Habré


Discours du représentant du Président de la Commission de l'Union Africaine à l'occasion de la cérémonie d'ouverture de la table ronde des donateurs pour le financement du procès de Monsieur Hissène Habré
(Dakar, 24 novembre 2010)

Monsieur le Ministre d'Etat, Garde des Sceaux, Ministre de la justice,
Excellences, Mesdames Messieurs les Représentants des pays et institutions partenaires,
Distingués Invités

Je voudrais avant tout, présenter les excuses de Son Excellence Monsieur Jean PING, Président de la Commission de l'Union Africaine pour son absence à Dakar ce jour ; il avait décidé de prendre personnellement part à cette importante table ronde consacrée au financement du procès Hissène HABRE, mais des obligations de dernière minute l'en ont empêché et il m'a demandé de le représenter en ma qualité de son représentant spécial pour le dossier en cause.

Je voudrais ensuite vous exprimer, Monsieur le Ministre d'Etat, tout le plaisir et le bonheur de me retrouver au Sénégal, Pays de la Téranga, et de remercier le Gouvernement et le Peuple sénégalais pour leur accueil si chaleureux et convivial. Cette hospitalité légendaire, loin d'être une simple civilité ou convenance protocolaire, traduit les valeurs d'humanité et de sociabilité qui ont toujours caractérisé le peuple du Sénégal.

Et enfin, je voudrais répondre à un devoir, celui de féliciter le Gouvernement du Sénégal d'avoir accepté avec esprit de responsabilité et lucidité la charge que l'Afrique lui a confiée à Banjul en juillet 2006 « de poursuivre et de faire juger, au nom de l'Afrique, Hissène HABRE par une juridiction sénégalaise avec les garanties d'un procès juste. »

Le Sénégal a pris cette charge avec esprit de responsabilité, en effet. La justice sénégalaise, saisie de plainte contre Hissène HABRE s'est déclarée incompétente faute de loi nationale applicable au fait incriminé.

Cette situation a entraîné contre le Sénégal les foudres du Comité des Nations Unies contre la torture, condamnant le Sénégal pour violation des articles 5 alinéa 2 et 7 de la Convention contre la torture et impartissant un délai au Sénégal pour modifier sa législation et traduire Hissène HABRE en justice.

Le Sénégal, se trouvant ainsi face à un double engagement, celui imparti par la Convention contre la torture et celui dévolu par l'Union africaine, a procédé à toutes les réformes constitutionnelles et législatives nécessaires. C'était d'ailleurs une exigence de la Constitution sénégalaise dont l'article 98 confère aux obligations internationales une autorité supérieure à celle des lois.

Et le Sénégal a été pleinement responsable en procédant comme il l'a fait.

Nous lui en savons gré et l'en félicitons. C'est le lieu de solliciter Mesdames et Messieurs, votre indulgence pour un bref rappel de quelques règles de droit pénal expliquant la mise en œuvre par le Sénégal de ses obligations ; lorsqu'en matière criminelle intervient une décision de fond sur un fait pénal impliquant une personne dénommée, la décision intervenue acquiert autorité de chose jugée erga omnes et ne peut plus, quelle que soit la nature de la juridiction, être jugée par aucune autre juridiction au monde en vertu de la règle « non bis in dem » ; alors que la décision pénale intervenant pour faire obstacle à l'examen au fond du fait infractionnel (irrecevabilité, nullité de procédure, incompétence etc) n'acquiert pas toujours autorité de chose jugée et dès que l'obstacle ayant entraîné la dite décision a été levé, la procédure peut reprendre à la seule condition que le temps écoulé ne soit pas couvert par la prescription.

Or en l'espèce, les infractions présumées à la charge de Hissène HABRE sont des infractions spécifiques répondant à des caractères autres que ceux des infractions ordinaires. Il s'agit d'infractions directement incriminées par le droit pénal international affublé de caractères dérogatoires au droit commun comme par exemple l'imprescriptibilité. Et ce sont ces caractères spécifiques de cette catégorie d'infractions qui ont permis le jugement de Klaus Barbie par une juridiction française.

Excellence Monsieur le Ministre d'Etat,
Mesdames, Messieurs,

Il y a une certaine lucidité de la part du Sénégal à attendre qu'un minimum de fonds soit disponible pour commencer la procédure car il est arrivé que des procès commencés soient suspendus faute de moyens. Aussi je vous remercie tous pour votre patience qui a permis la réunion ce jour de la table ronde.

Cette table ronde des donateurs s'inscrit dans le cadre de la mobilisation des financements pour la tenue du procès de Monsieur Habré, en application de la Décision Assembly/AU/Dec.297 (XV) relative à l'affaire Hissene Habré, adoptée en juillet 2010 par la Conférence de l'Union.

Dans le cadre des préparatifs de cette table ronde, une délégation de la Commission de l'Union Africaine que j'ai eu l'honneur de conduire a visité un certain nombre de pays et Institutions en Europe.

Durant ces missions, les pays et institutions partenaires visités ont prêté une oreille attentive au plaidoyer de l'Union africaine et ont fait montre d'une grande disponibilité pour la réussite de la table ronde. C'est le lieu pour moi d'exprimer à l'Union Européenne, Chef de file des donateurs et partenaires de l'Union africaine dans le processus de préparation du budget estimatif du procès, et à tous les autres pays et institutions partenaires, notre profonde gratitude pour leur coopération et leur appui aux efforts de l'Union africaine et du Sénégal. Mes remerciements vont également aux différents experts sénégalais et européens qui ont aidé à la préparation du budget.

Monsieur le Ministre d'Etat,
Mesdames et Messieurs

Il n'est point besoin d'insister sur l'importance de la présente table ronde tant elle devrait constituer le couronnement du processus de préparation du procès Hissene Habré. Du succès de cette table ronde, vous en conviendrez avec moi, dépendra la tenue, dans des conditions les meilleures et dans un délai raisonnable, du procès Habré.

Qu'il fut long le chemin parcouru pour en arriver à cette Table ronde ! Mais, le temps des concertations, de réflexion et de préparation est un gain de temps et d'efficacité. Avec l'engagement de tous, j'ose espérer que les attentes seront comblées à travers les objectifs que nous nous sommes fixés à savoir :

    - Identifier les sources potentielles de financement du procès et recueillir les annonces de contribution;

    - Mobiliser les ressources financières nécessaires au procès ;

    - Convenir du cadre de suivi de la mise en œuvre des conclusions de la table ronde ;

    - Définir des modalités de mise en place, de gestion et d'administration du fonds pour l'affaire Hissene Habré.

Je ne doute point que la présente table ronde concrétisera les promesses de financement, en vue de boucler le financement attendu pour le procès. A cet égard, permettez-moi de vous annoncer que l'Union africaine contribuera au financement du budget du procès à hauteur d'un (1) million de dollars des Etats Unis d'Amérique.

Nous avions tous pensé que la table ronde de ce jour marquera la fin de la période préparatoire à la procédure. Mais une décision a été rendue le 18 novembre 2010 par la Cour de justice de la CEDEAO. L'Union africaine qui n'est pas justiciable de cette haute juridiction en prend acte en l'Etat et la haute instance d' l'Union avisera en accord avec le Sénégal de ce qu'il appartiendra. Le programme arrêté se poursuivra car quelle que soit la forme que prendra la juridiction de jugement, des fonds sont et seront nécessaires.

En vous réitérant, à vous Monsieur le Ministre d'Etat, et à travers vous à Monsieur le Président de la République, au Gouvernement du Sénégal ainsi qu'à l'ensemble des donateurs, mes vifs remerciements, je souhaite pleins succès à nos travaux.

Je vous remercie.

ROBERT DOSSOU

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