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18juin09

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La contre-intelligence en tant que méthode de persécution à des fins de contrôle politico-social.


Le 9 juin dernier, entre 22h30 et 23h30, heure locale de Bogota, le sénateur Gustavo Petro a prononcé un discours parlementaire devant le Sénat de la République de Colombie.

Le sénateur Petro fonde son discours sur une série de documents auxquels Radio Nizkor a eu accès et qui décrivent en détail la persécution systématique menée par les services de renseignement colombiens connus sous le nom de Département administratif de sécurité (DAS). Celui-ci dépend, du point de vue hiérarchique, de la présidence de la République.

Selon ces documents, 103 dossiers contiennent le détail des opérations de contre-intelligence organisées par un groupe appelé G3 contre une série d'organisations des droits de l'homme, de journalistes d'investigation et de juges des cours supérieures.

Dans son discours, le sénateur Petro ne cite que quelques exemples, qui sont d'ailleurs dramatiques, mais qui ne sont représentatifs que d'une partie de ces documents.

L'importance des documents rendus publics au Sénat réside dans leur valeur de preuves indubitables de la persécution et du harcèlement dont ont été victimes toutes les personnes qui ont fait l'objet directement ou indirectement des opérations de contre-intelligence menées par des spécialistes des forces navales colombiennes et financées par un Etat étranger, Etat qui n'est pas identifié dans les documents.

On peut tirer comme première conclusion que l'Etat-major militaire et civil qui a dirigé les opérations en question a reçu des ordres exprès d'inclure dans le plan de guerre les organisations de défense des droits de l'homme, les journalistes d'investigation et les juges des cours supérieures qui ont, par conséquent, été considérés comme des « cibles » et certains en particulier comme des « objectifs », comme c'est le cas de notre correspondante en Colombie, Claudia Julieta Duque, qui a été victime de ce type de pratiques de 2001 jusque, au moins, 2008.

La Cour constitutionnelle a statué la acción de tutela (action en justice pour violation des libertés et droits fondamentaux) introduite par Claudia Julieta Duque par un arrêt qui reconnaît expressément les droits dont notre correspondante jouit, aussi bien du point de vue de la liberté d'information, dans le cadre de sa profession de journaliste, que du fait qu'elle est membre d'une organisation internationale des droits de l'homme. L'arrêt condamnait le DAS à restituer tous les documents relatifs à cette affaire contenus dans ses archives.

Ce service de renseignement n'a pas respecté l'arrêt et a nié, dans plusieurs lettres, que ses archives contenaient de tels documents. Nous savons aujourd'hui que des centaines de documents se trouvent aux mains du Ministère public et qu'ils ont été remis par ces mêmes autorités qui ont nié leur existence.

Les opérations de contre-intelligence font partie de ce que l'on appelle le « renseignement offensif » et ont pour but d'éliminer les « objectifs » en ayant recours à tous les moyens humains, technologiques et militaires possibles. Cela implique la reconstitution de tout le réseau social et familial des personnes persécutées, comme on a pu le voir récemment.

Il va de soi que ce type d'opérations clandestines et illégales a pour conséquence de manipuler les faits, d'ébranler le système social et de détruire les organisations « cibles ». À cause de leur durée dans le temps, de plus de dix ans, ces opérations ont des répercussions sur les familles et les enfants des victimes et obligent les organisations à opter pour une ligne de conduite qu'elles n'auraient pas choisies si elles n'étaient pas soumises au harcèlement de la contre-intelligence du DAS. »

Il ne fait pas non plus de doute, du point de vue légal, que ce type de persécution passait par l'interception de toutes les communications (téléphones fixes, portables, fax, microphones dans les bureaux, courriers électroniques, accès aux ordinateurs, vol de documents numériques, ainsi que l'installation de microphones au domicile des victimes) et par la filature des personnes visées par l'opération, ainsi que de leurs proches, de leurs amis et de leurs connaissances.

Ces opérations couvrent également les voyages à l'étranger des personnes visées. Pour ce faire, d'après ces mêmes documents, tous les moyens sont bons pour « bloquer » leurs activités dans des pays tiers. Par exemple : prise de clichés photographiques dans les aéroports, au cours de réunions avec d'autres personnes et avec des organisations étrangères, demandes d'annulation de visas pour entrer dans l'Union européenne et aux Etats-Unis et, même, actes de harcèlement dans d'autres pays par leurs propres moyens ou avec la collaboration des services de renseignement d'autres pays.

Ainsi, d'un point de vue juridique, nous pensons que le sénateur Petro a raison de qualifier ces activités de « crimes contre l'humanité » car elles sont organisées de manière systématique et à grande échelle et correspondent, sans aucun doute, à des actes de persécution sociale et politique.

Du point de vue pénal, il existe suffisamment de preuves de ces actes de persécution, ce qui différencie qualitativement cette situation de celle d'autres pays, où il ne fait aucun doute que des techniques de contre-intelligence sont utilisées à des fins de contrôle politico-social, mais où les preuves sont peu nombreuses, voire inexistantes.

Il reste donc à mener un travail de longue haleine, à savoir mener une enquête appropriée et faire répondre de leurs actes les membres du groupe d'opérations G3, parfaitement identifiés dans les documents mis à la disposition du Ministère public, ainsi que les chefs hiérarchiques de ce groupe, les responsables de ses activités et, tout particulièrement, son plus haut responsable, le président Uribe.

Belgique et Bogota, le 18 juin 2009

Gregorio Dionis ; éditorial de Radio Nizkor repris en partie en guise d'introduction au document audio relatif au discours parlementaire du sénateur Petro. Gregorio Dionis est le président d'Equipo Nizkor et de Radio Nizkor.


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