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Déclaration écrite soumise à la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies pendant sa 54ème session relative aux causes suivies à la Cour Nationale Espagnole de justice (Audiencia Nacional Española) sur les disparus espagnols au cours des dictatures militaires argentine et chilienne.

Par la Fédération des Associations pour la Défense et la Promotion des Droits de l'Homme - Espagne.

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME
Cinquante-quatrième session
Thème 8 du Programme


La Federación de Asociaciones de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos (Fédération des Associations pour la Défense et la Promotion des Droits de l'Homme) (Espagne) tient à exprimer publiquement son soutien aux causes suivies à la Cour Nationale Espagnole de justice (Audiencia Nacional Española) sur les disparus espagnols au cours des dictatures militaires argentine et chilienne.

En mars 1996, l'Unión Progresista de Fiscales (Union Progressiste des Accusateurs Publics - association de la Magistrature) a porté plainte auprès de la Cour nationale de justice contre les intégrants de la Junte militaire argentine qui usurpa le pouvoir démocratique de ce pays entre 1976 et 1983, pour des délits présumés contre l'humanité, entre autres, génocide et terrorisme. Plus tard, en juillet de cette même année, cette Association a porté plainte contre les composants de la Junte militaire chilienne pour des faits semblables commis pendant sa durée entre 1973 et 1990.

La décision favorable de ces causes supposerait une contribution importante à la lutte contre l'impunité vu qu'elles ratifieraient l'incontestabilité de l'existence d'une juridiction pénale universelle. Cependant, face aux obstacles rencontrés et dus, d'une part, au non-respect des conventions de collaboration judiciaire et, d'autre part, à certaines réticences surgissant au sein de l'engrenage espagnol lui-même de l'administration de justice, concrètement du Chef des fiscals de la Cour de Justice Nationale, cette Fédération tient à signaler:

1. que les tribunaux pénaux internes, dans ce cas concret la Cour de Justice Nationale espagnole, sont compétents pour connaître des causes pour délits présumés contre l'humanité commis pendant les dictatures argentine et chilienne en se basant sur les principes de juridiction pénale universelle et de personnalité passive existant sous la loi interne et internationale:

i. la Constitution espagnole, dans ses art. 10.2 et 96.1 reconnaît que le Droit international des Droits de l'Homme fait partie de plusieurs façons de son droit interne. La Déclaration universelle des Droits de l'Homme est obligatoirement utilisée pour interpréter les règles constitutionnelles correspondantes; les règles contenues dans les conventions internationales comme celles de Droit international humanitaire (Conventions de Genêve de 1949 et leurs protocoles additionnels de 1977), la Convention contre le crime de génocide (1948), le Pacte international de Droits civils et politiques (1966), la Convention contre la Torture (1984), entre autres, publiés sur le Journal Officiel de l'État, font partie du droit interne espagnol. Ces instruments ont été aussi ratifiés par les États chilien et argentin...

ii. L'art. 23.4 de la Loi organique du Pouvoir judiciaire établit la compétence de la juridiction espagnole pour connaître des faits commis par des Espagnols ou des étrangers hors du territoire national, à condition que ces faits puissent être classifiés, entre autres, comme délit de génocide ou de terrorisme. (1)

2. Il existe des indices rationnels selon lesquels les officiers des Forces armées argentines et chiliennes ont commis des actes de génocide, d'extermination, d'assassinats, de disparitions forcées, de tortures, de persécution fondée sur des idées politiques et de détentions prolongées et que chacun d'eux considérés séparément et tous ensemble ont violé les normes de ius cogens. Tout ceci constitue la figure de crimes contre l'humanité selon le droit coutumier international, droit appliqué dans le droit interne en Espagne. Quant au délit de terrorisme, le droit international coutumier le reconnaît également comme tel. Il ne faut pas oublier que, dans le cas chilien, la Cour suprême chilienne elle-même a qualifié la DINA d'"organisation criminelle". L'Assemblée générale des Nations Unies a condamné expressément ce délit (UN DOC. /49/185 et A/50/186 du 22 décembre 1994 et 1995 respectivement). (2)

3. On ne peut considérer non plus que ces délits aient fait l'objet d'une mise en accusation dans les pays où ils ont été commis. La clause contenue dans l'art. 23.2 c de la LOPJ n'est donc pas applicable. Cette clause interdirait la compétence de la juridiction espagnole pour instruire les procédures dans la mesure où le délinquant aurait été acquitté, gracié ou condamné à l'étranger. Même si, tant en Argentine qu'au Chili, des procès contre certains militaires impliqués dans les dénonciations ont été suivis, ils n'ont eu aucun effet soit parce qu'ils ne sont pas terminés, soit parce que les auteurs ont été par la suite graciés ou amnistiés par les lois appelées de point final, d'obéissance obligée ou d'amnistie promulguées sous la contrainte des propres militaires impliqués. Ces normes ne peuvent donc pas être invoquées comme exception à la juridiction universelle prévue pour ce délits. En outre, elles ont été déclarées par la Commission interaméricaine des droits de l'homme de la OEA comme contraires à ce qui a été établi dans l'art. 1.1 de la Convention américaine des Droits de l'Homme. On ne peut non plus alléguer que, la LOPJ ayant été promulguée en 1985, on ne doit tenir compte que des délits commis à partir de cette date. Devant cet argument, les Lois et Jurisprudence espagnoles établissent que, une fois promulguée une norme du PROCÈS (telle que l'est l'Organique du Pouvoir judiciaire de 1985), celle-ci est appliquée aussi aux procédures entamées a posteriori même si elles ont trait aux délits commis avant la promulgation de la loi DE PROCÉDURE - sauf disposition contraire expresse, ce qui n'est pas le cas. En fait, la LOPJ 6/1985 a été appliquée par la Cour Suprême pour soumettre à la justice des délits commis AVANT juillet 1985.

4. De même, l'application de la loi pénale à des crimes contre l'humanité commis avant son entrée en vigueur est légalement possible vu que ces crimes étaient déjà inclus dans le Droit international général. C'est ainsi que: 1) Le Pacte international de droits civils et politiques de 1996, ratifié par l'Espagne, le Chili, l'Argentine et qui, dans son art. 15, recueille le principe nulllum crimen sine lege "national ou international" et ajoute: "Rien de ce qui a été disposé dans cet article ne s'opposera au jugement ni à la condamnation d'une personne pour des actes ou des ommissions qui, au moment où ils ont été commis, étaient délictueux selon les principes généraux du droit reconnus par la communauté internationale"; 2) voir aussi l'art. 7 de la Convention européenne des Droits de l'Homme.

5. Les crimes contre l'humanité ne prescrivent pas ni ne sont aministiés (art. 1 Convention du Conseil de l'Europe du 25.I.1974, A/Res.47/133, entre autres), l'exception d'obéissance obligée ne pouvant être non plus opposable; dans le cas espagnol, l'art. 131 du Code pénal dispose en outre que le délit de génocide ne prescrira en aucun cas.

6. Pour terminer, le principe nº 20 de ceux contenus dans le Rapport final du Rapporteur sur l'impunité en droits civils et politiques, M. Joinet (E/CN.4/Sub.2/1997/20/Rev.1) s'exprime de la façon suivante: "La compétence des tribunaux étrangers s'exerce dans le cadre soit d'une clause de compétence universelle prévue dans un traité en vigueur, soit d'une disposition de la loi interne établissant une règle de compétence extraterritoriale pour les crimes graves selon le droit international".

Les deux possibilités sont déduites des procédures suivies à la Cour nationale de justice espagnole, en même temps que les délits soumis à la justice sont intégrés dans la définition générique de crimes graves selon le Droit international où figureraient les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité (y compris le génocide et les infractions graves contre le Droit international humanitaire). Il ne faut pas oublier que la Convention contre le Génocide ne fut que la spécification d'une des figures délictuelles abordées à Nüremberg.

La lutte contre l'impunité est consubstantielle à l'idée de démocratie et a donc pour but d'assurer les droits que ce concept englobe: le droit à la vérité, le droit à la justice et le droit à la réparation.

Les causes en cours à la Cour de Justice Nationale espagnole obéissent au besoin qu'ont nos sociétés de voir satisfaits les droits cités

FEDERACION DE ASOCIACIONES DE DEFENSA Y PROMOCION DE LOS DERECHOS HUMANOS (Estatuto Consultivo especial ante el ECOSOC - ONU) Asociacion para las Naciones Unidas en Espanha - Asociacion Pro Derechos Humanos de Espanha (APDHE) - Caritas Espanhola - Institut de Drets Humans de Catalunya - Instituto de Estudios Politicos para America latina y Africa (IEPALA) - Justicia y Paz - Liga Espanhola Pro Derechos Humanos - Movimiento por la Paz, el Desarme y la Libertad (MPDL) - Paz y Cooperacion.


Les associations suivantes (qui n'apparttiennent pas à la Fedération) ont adhéré cette Déclaration écrite: Asociación pro Derechos Humanos de Andalucía; Serpaj Europa; Jueces para la Democracia; Equipo Nizkor; Ospaaal, Secretaría de Derechos Humanos de IU Federal; Paz con Dignidad.

1. L'une des interprétations les plus autorisée et des plus récentes de l'ONU sur la Convention contre le génocide et le génocide "intérieur" est celle de M.B. Whitaker, Rapporteur spécial de "l'Étude sur la question de la prévention et de la répression du crime de génocide" (sollicitée par l'ONU, ECOSOC, E/CN.4/Sub.2/1985/6, 2 juillet 1985), qui affirme: "Le génocide ne suppose pas obligatoirement la destruction d'un groupe entier (...) L'expression `partiel´ de l'art. 2 semble indiquer un nombre assez élevé par rapport aux effectifs entiers du groupe ou une fraction importante de ce groupe ainsi que celle de ses dirigeants" (pag. 19).]

2. Dans sa résolution 95 (I) du 11 décembre 1946, L'Assemblée générale de l'ONU "confirme les principes de Droit international reconnus par le Tribunal de Nüremberg et par la Sentence de ce Tribunal" [traduction non officielle]. L'effet de ces résolutions a pour but de consacrer universellement le droit créé dans le Statut et dans la Sentence du Tribunal de Nüremberg. Sa durée effective d'application en Espagne fut reconnue lors de la ratification de la Convention faite à Genêve le 12.VIII.1949 qui, dans son art. 85 renvoie expressément aux "Principes de Nüremberg" approuvés par l'Assemblée générale de l'ONU le 11.XII.1946.

Dans son Rapport sur la constitution d'un tribunal international ayant pour mission de juger "les personnes présumées responsables de violations graves du droit humanitaire international commises sur le territoire de l'ancienne Yougoslavie" [traduction non officielle] depuis 1991, le Secrétaire général de l'ONU a énuméré plusieurs conventions qui, à son avis, font partie du droit international coutumier, à savoir: a) le Réglement de La Haye de 1907; b) le Statut du Tribunal militaire international de Nüremberg de 1945; c) la Convention sur le crime de génocide de 1948; d) les Conventions de Genêve de 1949.

La constatation par le Secrétaire général du caractère coutumier de ces instruments démontre largement leur caractère inaliénable pour tous les États conformément à l'art. 25 de la Charte de l'ONU, étant donné que le Conseil de sécurité a approuvé le Rapport du Secrétaire général sans aucune réserve (S/Res. 827, 25 mai 1993, paragraphe 2).]


Juicio por los Desaparecidos Argentinos en España

Derechos Humanos en Chile


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